La malchance s'abat invariablement sur chaque adaptation cinématographique d'un jeu vidéo. Dans la cinquantaine de transpositions qui ont vu le jour, est-ce qu'il y en a une seule de potable? Warcraft s'est planté misérablement plus tôt cette année et c'est au tour d'Assassin's Creed de boire la tasse en étant aussi oubliable que tous les Prince of Persia qui l'ont précédé. C'est d'autant plus dommage devant l'immense potentiel réuni.
On retrouve devant la caméra rien de moins que Michael Fassbender, Marion Cotillard, Jeremy Irons, Brendan Gleeson, Charlotte Rampling et Ariane Labed dans des rôles nullement développés qui sont indignes de leur talent. Rarement le héros des sublimes Shame et Hunger aura été aussi mauvais acteur, alors qu'il agit également en tant que producteur. À côté de cet être qui aimerait bien être ailleurs, son interprétation de Magneto dans la série des X-Men lui mériterait un Oscar.
Il a confié la réalisation au virtuose Justin Kurzel qui l'a dirigé brillamment dans le récent et excellent Macbeth. Le cinéaste australien a toujours eu l'oeil pour le plan parfait et il semble un peu perdu dans cette immense production où il n'a peut-être pas eu le mot final, le contrôle créatif. Développant une mixture entre cinéma et jeu vidéo, sa création impressionne d'abord la rétine avant de l'irriter profondément avec ses effets spéciaux tape-à-l'oeil. Mieux vaut alors se concentrer sur la musique beaucoup plus digeste de son frère Jed.
On comprend ce qui a pu séduire le cinéaste dans cette histoire : les joutes familiales, les trahisons multiples et les guerres de clans qui provoquent leur lot de règlements de comptes sanglants. C'est ce qui était au coeur même de ses Macbeth et Snowtown, une des oeuvres les plus traumatisantes de la décennie. Sauf qu'en voulant rendre accessible à un large public ces nombreux affrontements sans véritable violence graphique, on finit par saper la vision du réalisateur et l'âme de la production.
Le récit qui emprunte sans vergogne à 12 Monkeys et The Matrix se déroule dans deux genres et registres temporels différents. Le passé est le terrain de jeu de l'action répétitive jusqu'à plus soif. Puis il y a le présent qui aimerait être songé, mais qui s'avère seulement prétentieux dans sa façon de parler de l'humanité, de la science, de la religion et des luttes de pouvoir. Un personnage explique les enjeux encore et encore comme s'il se retrouvait dans une variation cheap d'Inception. Ce n'est pas suffisant pour secourir le spectateur qui est un peu perdu devant ce script brouillon sur fond de pomme symbolique, d'Assassins et de Templiers. Le montage souvent inintelligible n'est pas là pour aider. Ce n'est d'ailleurs pas surprenant. En réduisant la durée du long métrage des 140 minutes originellement prévues à 115 minutes, c'est sa compréhension qui a été sacrifiée.
On ne va évidemment pas voir Assassin's Creed pour la pseudo complexité de sa trame narrative ou les dialogues risibles composés par les scénaristes des regrettables Exodus et The Transporter Refueled. C'est le visuel qui prime et il risque de ravir les fans de la célèbre série d'Ubisoft, bien que l'ensemble se situe en dessous d'un Doctor Strange. Mais après avoir été ébahi pendant un quart d'heure, que reste-t-il? Quelque chose qui procure bien peu de plaisir et qui semble exister uniquement pour vendre encore plus de jeux vidéo.